mardi, octobre 10, 2006

Théâtre d'après Maupassant

Voici un texte que j'ai écrit cette année dans le cadre d'un cours. Le principe? réécrire la fin d'une nouvelle de Maupassant sous forme théâtrale. L'histoire est très simple : madame Caravan, vieille dame de son état, semble avoir passé l'arme à gauche. Son fils et sa belle-fille s'empressent de récupérer une horloge et une commode afin que la fille et le beau-fils (monsieur et madame Braux) ne puissent pas en hériter. Hélas, voilà que la vieille n'est pas morte, elle n'a été la victime que d'une syncope...

La scène se déroule dans le salon de M et Mme Caravan. La pendule et la commode devront être mises en évidence. Le tic tac du balancier doit être perceptible, il pourrait même rythmer les échanges entre les personnages.


MADAME BRAUX, apercevant la vieille, surprise : Vous... vous n'êtes pas... Vous... vous allez mieux?

MONSIEUR BRAUX, amusé : Allons, allons ma chérie, on dirait que tu as vu un revenant; ce n'est que ta mère. Tu vois bien qu'elle va mieux. Madame Caravant se porte comme un charme!

MONSIEUR CARAVAN, gêné : Oui... heu... Elle va beaucoup mieux. Nous nous sommes faits... heu... du souci pour rien. (Se tournant vers la vieille) N'est-ce pas mère?

LA VIEILLE, glaciale : Les syncopes ont cela d'avantageux qu'elles vous ôtent la vue, non l'ouïe!

Silence de M et Mme Caravan. M Braux sourit. Mme Braux est perplexe.

LA VIEILLE : Elles vous ouvrent aussi l'appétit.

MONSIEUR CARAVAN, à Rosalie, la bonne : Rosalie, préparez donc la table pour cinq personnes.

ROSALIE, joyeuse : J'y vais, j'y cours, j'y vole!

MADAME CARAVAN : Mon Dieu, cette bonne est folle.

Les personnages s'installent. Rosalie dresse la table. Elle est placée dans le sens de la longueur. La vieille sera placée à son bout et faire face au public; les deux couples se retrouveront en face l'un de l'autre à ses côtés. Durant le repas, la sonnette pourra, selon le désir du metteur en scène, tinter plus de fois qu'indiquer ici. A mesure que la sonnette retentira et que Rosalie fera des allers-retours entre la porte et M Caravan, celui-ci aura l'air de plus en plus mal à l'aise.

Silence

MONSIEUR BRAUX : Quelle atmosphère glaciale! (Amusé) Se pourrait-il qu'on enterre quelqu'un?

Silence gêné
Sonnerie


MONSIEUR BRAUX, hilare : Tiens voilà qu'on sonne le glas.

MADAME CARAVAN, à Monsieur Braux, du défi dans la voix : Priez pour que ce ne soit pas pour vous!

Sonnerie

MONSIEUR BRAUX, à Monsieur Caravan : Il fallait dire que c'était votre jour de réception.

Rosalie revient avec un paquet qu'elle tend à Monsieur Caravan. Il l'ouvre, ce sont des faire-part de décès. Il rougit et les cache discrètement dans son gilet.

MONSIEUR CARAVAN, voix faible, gêné : Non... non... heu des commissions (Silence. Sonnerie. Il sursaute.) Rien du tout.

LA VIEILLE, regardant son assiette : Cette viande est froide!

MONSIEUR CARAVAN, regardant sa mère, à voix basse : Hélas non!

LA VIEILLE : Je me sens un peu fatiguée. (Elle se lève et regarde la pièce.) Cette commode et cette horloge sont d'un goût exquis.

Monsieur et Madame Caravan se taisent, de la gêne se lit sur leur visage.

LA VIEILLE, à Madame Braux : Lundi, tu m'amèneras ta petite, je veux la voir.

MADAME BRAUX : Oui, maman.

LA VIEILLE : Cette commode et cette pendule sont vraiment d'un goût exquis, cependant je préférerais les revoir dans mes appartements. (A Monsieur et Madame Caravan, d'un ton cassant) Ne m'enterrez pas trop vite; je n'ai eu qu'une syncope!

Elle sort, suivie de Madame Braux.
Monsieur Braux sourit.


MADAME CARAVAN : Ca vous amuse? Vous n'êtes... vous n'êtes qu'un monstre!

MONSIEUR BRAUX : Allons, allons! Ce n'est pas moi qui enterre ma belle-mère avant même que son corps ne soit froid.

MADAME CARAVAN : Vous ne m'inspirez que du dégoût. Je vous crache à la figure (elle s'exécute).

Madame Braux revient au même instant.

MADAME BRAUX : Que fais-tu là, traînée?

MADAME CARAVAN : Ca ne se voit pas? Je crache au visage de ce qui te sert de mari.

MADAME BRAUX, se jetant sur Madame Caravan : Ne t'avise pas de recommencer, espèce de mijaurée, arsouille, pituite, gourgandine!

MADAME CARAVAN : Tu ne t'es pas vue petite salope, pétasse, putain! Tu n'es bonne qu'à te faire engrosser!

MADAME BRAUX, offusquée : Comment elle me parle? Han... han... (Elle lève sa main.) Je vais... je vais te gifler... Han... han...

MONSIEUR BRAUX, sourire aux lèvres, il la retient : Tais-toi bourrique, tu brais trop; m'en vais te ramener à l'écurie!

Ils sortent. On entend encore des cris au loin.

ROSALIE, elle tient une enveloppe à la main : Monsieur, ceci est pour vous. (Elle donne l'enveloppe.)

MONSIEUR CARAVAN : Qu'est-ce que c'est? (il l'ouvre et la lit à haute voix.) Nous avons appris la nouvelle du décès de votre mère et nous nous joignons à vous dans cette douloureuse épreuve. Veuillez accepter nos prières et notre sympathie la plus profonde. (Il pose sa tête dans ses mains. Silence.) Qu'est-ce que je vais bien pouvoir dire à mon chef?

Rideau

Edouard


2 commentaires:

Anonyme a dit…

Ehhh je me souviens de ce texte! J'avais trouvé comique d'ailleurs lol

Anonyme a dit…

je ne me rappelais plus que je te l'avais fait lire. Bon bon, très bientôt je mettrai de l'inédit sur ce blog.