samedi, février 03, 2007

Ces étranges liens qui nous unissent

Un autre lien, lui aussi assez particulier, me rattache à mon grand-père maternel, mon pépé comme je l'appelais autrefois - il faut savoir que ma mère est française ce qui explique ces termes peu habituels en Suisse. Un lien assez étrange quand on y pense, vu que tout se passe le jour où j'appris sa mort...

Le jour où il mourut, ma mamie appela à la maison pour annoncer la nouvelle. Quel âge pouvais-je bien avoir? Seize, dix-sept ans? Oui, je crois que je devais avoir seize ans. Quoi qu'il en soit, c'était un samedi matin quand elle appela. Je le sais, j'en suis sûr, je m'en rappelle : j'étais seul à la maison à ce moment-là.
Voix triste au téléphone. Annonce grave. Mort au bout du combiné. Stupeur et apparent détachement de ma part. Ah, je dois annoncer la nouvelle à maman... C'est peut-être mieux ainsi dis-tu mamie? Ce serait trop dur pour toi de devoir le lui dire toi-même?... Je comprends. La gorge est serrée. Comme quelque chose qui ne passe pas. Ca devrait sortir, mais non. Je raccroche. Retourne à mon jeux vidéo comme si de rien n'était, mais tout à changé et mon oreille guette le retour de maman. Comment l'annoncer? Cette nouvelle va être un choc; elle l'est pour moi! alors pour elle qui est sa fille... Et puis maman est parfois si fragile.

Il fait beau dehors, peut-être encore un peu froid, mais c'est sûr il fait beau. Midi arrive et eux aussi vont arriver et elle va arriver et c'est bientôt ma parole de mauvais augure qui les accueillera, qui l'accueillera.

La porte s'ouvre. C'est toi maman? Maman, c'est toi? J'ai quelque chose à te dire. La gorge est serrée. J'ai quelque chose à te dire, c'est quelque chose de grave! Sourire incrédule de maman. J'ai l'habitude d'être un farceur, mais au ton de ma voix elle a déjà compris, j'en suis sûr. Pourtant, il lui faut entendre ces mots. Prononcer la sentence. Maman, j'ai quelque chose à te dire, c'est très grave; il vaut mieux que tu t'asseyes. Il faut le lui dire, ces mots assassins. Maman, j'ai quelque chose à te dire, c'est très grave; il vaut mieux que tu t'asseyes : pépé, ton père, est mort ce matin. Et son visage se décompose dès qu'elle entend le mot père. Elle a compris immédiatement. Non, c'est pas vrai! dernières paroles de la petite fille en elle. Ce sont d'ailleurs des sanglots d'enfant qui éclatent juste après. Et pour elle, et pour moi.

Maman, j'ai quelque chose de grave à te dire; il vaut mieux que tu t'asseyes : pépé, ton père, est mort. C'est avec ces quelques mots (ou à peu près) que je lui ai annoncé cette mort. Inconfortable situation pour un adolescent. Je ne la souhaite à personne.
Ce qui est ironique quand on y pense, c'est que je porte le prénom de mon grand-père paternel décédé l'année même de ma naissance, et voilà que c'est moi qui doit annoncer le décès de mon pépé à ma maman. Des deux côtés de ma famille je suis en lien avec mes grands-pères et, plus fort, ce lien est en rapport avec la mort...

Edouard

Tableau : Magritte, Liberator

3 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est très bien raconté. (Rien à dire de plus!!)

Anonyme a dit…

Tout à fait de ton avis alef.....

Anonyme a dit…

Bon et si je passais à un peu de gaudriole pour changer? ( Et merci pour vos compliments ^^)