Quel heure pouvait-il bien être? Sept heures? Huit heures? A dire vrai, il ne le savait plus vraiment lui-même. Un cours qui s'éternise... La fatigue qui vous surprend. Ah tiens, il fait déjà nuit! L'estomac qui rapelle qu'il ne faudrait tout de même pas l'oublier. Et les lumières de la villes, mêlées à sa fatigue - il est même un peu malade - , tendent à nimber les choses d'un voile d'irréalité; pour un peu il se croirait dans une toile impressioniste.Il attend le tram qui le ramènera chez lui. Il a un peu froid, mais c'est supportable. Ah! le voilà qui arrive enfin. Lumière froide et agressive. La porte s'ouvre, il entre. Encore un peu perdu dans ses pensées, il balaie du regard l'intérieur de la chenille - le tram lui a toujours fait penser à une grosse chenille - afin de voir s'il trouve une place assise; peine perdue.
Mais... mais là... oui, là... Tiens, est-ce possible? Ah, peut-être bien, mais... Un visage ne lui est pas inconnu, il n'en est pas tout à fait sûr; il a toujours eu de la peine à mémoriser les visages. Des cheveux blonds, encadrant un visage assez strict. Oui, oui, ce doit bien être elle. Ah elle discute avec quelqu'un d'autre. Se pourrait-il que ce soit... Oui, oui, c'est bien elle : cheveux bruns, longs et bouclés. Pas de doute.
Il balaie à nouveau du regard les deux jeunes femmes. Il est à deux doigts de lever la main pour les saluer. Son corps est dirigé dans leur direction, sa jambe déjà esquisse un début de mouvement. Ses yeux rencontrent soudain ceux de la jeune femme blonde. Il lit sur son visage qu'elle cherche dans sa mémoire où elle a bien pu le voir. Un éclair traverse les yeux de la demoiselle; ça y est, elle l'a reconnu!
Elle l'a reconnu et soudain, très brusquement elle détourne la tête. Elle l'a reconnu et elle l'ignore. Elle fait mine que non, non, je ne vous ai pas reconnu... non, je ne vous connais pas. Elle regarde fixement droit devant elle, continue de discuter avec son amie comme si de rien n'était. Non, non, je ne le connais pas. Mieux vaut le chasser des limbes de ma mémoire.
Le tram démarre. Il a été coupé dans son élan. Sa jambe finalement pivote et le pousse contre la porte, dos aux deux demoiselles. Il pourrait être triste, mais en fait non. Il sourit à son reflet sur la vitre. Tout cela l'amuse : la situation plutôt cocasse, le regard crispé de la blonde au moment où elle l'a reconnu, la rapidité qu'elle a eu de détourner le regard, sa propre naïveté qui l'aurait pousser à saluer ces personnes.
Les portes s'ouvrent à nouveau. Il descend là. Tout cela tourne dans sa tête. Oui, bien sûr, c'est évident... haha, pourquoi n'y a-t-il pas songé plus tôt. Ca tourne encore un peu dans sa tête, puis soudain le déclic ultime : pourquoi ne par raconter cette histoire, cette chronique de la mesquinerie ordinaire?
Candilicious boy
11 commentaires:
hé hé pas mal...
mais en gros j'ai quand même envie de dire, on sait jamais si une fois ca pouvait être utile à qqn : " parfois il est question d'interprétation personnelle "
ah ca fait plaisir ce blog à (re)voir :)
Sûrement, mais n'empêche qu'il y a des comportements qui ne trompent pas. La personne qui te regarde droit dans les yeux, te reconnaît et détourne son regard et fait comme si elle ne t'avait pas reconnu... C'est pas être subjectif de se dire qu'on a été snobé.
Bon vais essayer de me soigner... tousse tousse... marre de cette crève!
Mais qui était-ce ? peut-être regardait-elle dans le vide et à un moment elle t'a aperçu mais ne t'a pas vraiment reconnu... on sait jamais... ne nous faisons pas d'idées ni de projection...
Sinon soigne toi bien! Moi j'ai chopé froid au ventre alors vive l'hiver... enfin vive le chaud et le froid....
Ce n'est ni une idée, ni de la projection. La personne m'a bel et bien reconnu et m'a snobé. Ca arrive aussi, tu sais. Et sûrement beaucoup plus souvent qu'on ne le croit.
Enfin, tu comprendras quand je te raconterai tout cela en détail.
Oui oki pas de problème! je crois avoir une idée des personnes concernées.
une blonde et une brune bouclée? euh... tu nous as vu dans le tram? j'ai rien capté moi...
c'était peut-être une certaine gêne... mais la prochaine fois (si c'est bien de nous dont tu parles) n'hésites pas. je mords pas.
@ludivine, oui effectivement, mais tout ceci n'est qu'un prétexte à écrire quelque chose. C'est d'ailleurs pour cela que personne n'était cité; ce genre de procédés ne m'intéresse pas. Mon but était de raconter une histoire suffisamment universelle pour que tout le monde puisse s'y retrouver; non pas un quelconque et très idiot règlement de compte.
J'aime juste m'inspirer du réel afin de parvenir à quelque chose d'autre. C'est tout. Mais sur ce coup-là, j'ai été complètement grillé.
eh voilà :)
qu'est-ce que j'avais dit !? :P
Oh oui...
Sur que tout le monde s'y reconnaît. Et le plus beau, c'est que chacun (ne mentez pas) se reconnaît dans chacun des deux rôles...
L'ignoré et l'ignorant, et l'inverse le lendemain...
@arpenteur, c'est exactement ça. D'ailleurs dans le texte même, le personnage joue ces deux rôle : il est ignoré et il ignore.
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