vendredi, janvier 19, 2007

Mise à nu


Les gens ne sont jamais aussi vrais, aussi beaux, que dans les moments où leur armure quotidienne, cette carapace que l'on pense être nous, vient à se craqueler. Il suffit d'un rien et voilà que la personne en face de vous, celle-la même qui paraissait un roc que rien n'ébranle, se retrouve aussi démunie qu'un nouveau-né.
Et la parole - pas cette parole superficielle constituée de bribes de vérités plus ou moins modifiées, non non, plutôt celle qui parle du plus profond du coeur, de cette voix surgie soudain des tréfonds de l'âme - se délie. Et là, c'est le choc! Un dialogue fraternel, un Echange a lieu. Blessé au plus intime, sa parole se fait d'être humain à être humain. Fini le paraître; les masques tombent, tombent et plus ils tombent et plus il y en a! Ainsi est la nature humaine, il lui faut préserver son être le plus intime, le cacher parfois même jusqu'à le perdre, jusqu'à se perdre.
Mais la chute de cette armure le met à nu; du paraître on glisse vers l'être dans sa nature la plus intime, la plus irréductible. Rien n'est aussi beau, aussi fort, aussi émouvant, aussi vrai, que la parole qui surgit de cette mise à nu. Tout le désespoir de la condition humaine dans son expression la plus obscène, les jugements radicaux et intransigeants envers soi-même, l'opacité d'un monde qui ne révèle rien de ses mystères les plus fondamentaux, les attentes culpabilisantes car irréalisables, mais aussi tous les espoirs, les rêves les plus secrets, les convictions les plus intimes et les moins aliénables, les idéaux aussi, surgissent comme un flot continu que rien ne peut arrêter. Il est nécessaire, impératif, vital que tous ces mots soient expulsés des recoins les plus reculés de son âme; ils doivent se faire entendre. C'est comme un hoquet qui vous prend, vous secoue et vous brise, tout en vous reconstruisant.
Il y a de tout cela dans dans l'expérience d'une discussion véritable et il faut en profiter; c'est si rare de voir au-delà des masques, au-delà des apparences, de pouvoir guigner sans impudeur aucune le plus intime, le plus irréductible de son être ou de celui d'autrui.

Edouard

3 commentaires:

Anonyme a dit…

La lecture de ce texte ma beaucoup ému. Merci Ed !

Anonyme a dit…

Oui, mais quand même, cette mise à nue à parfois quelque chose de gènante. Si elle règle des problèmes, elle en créé parfois. Les mots tombent souvent comme s'ils avaient une chape de plomb et la lourdeur de ces remarques que l'on dit d'un air sûr, comme pour les graver dans le temps.
C'est vrai, le discours véritable à du bon, mais vive parfois le discours superficiel.

Anonyme a dit…

@ Alef, je décris simplement ce moment qui est si rare. Je ne prône pas non plus le discours vrai comme étant seul valable, mais ayant été témoin d'une tombée de masque j'ai été surpris de ce qui peut se cacher derrière les apparences et j'ai trouvé cela assez fascinant même si, comme tu le dis, cela dérange.