samedi, février 14, 2009

Merci Monsieur Hegarty


Jamais je n'arriverai à dire à quel point j'ai en haute estime le travail d'Antony et de ses Johnsons.

Il y a longtemps que ce blog n'avait pas eu le droit à une notule musicale, et voilà que la sortie de The crying light justifie à elle seule une telle entreprise.

La dernière fois qu'Antony avait sorti un album, il avait convié la crème de la crème de la musique anglo-saxonne actuelle : Lou Reed, Rufus Wainwright, Devandra Banhart et même Boy George. Excusez du peu. Autant dire que tout le monde attendait de pied ferme ce nouvel opus, vu la qualité de I am a bird now. Personnellement, certaines des anciennes chansons me hantent les jours de spleen et de joyeuse mélancolie (Ah Spiralling!!!). Car la force d'Antony, c'est de nous emmener avec lui dans des champs de tristesse sans jamais nous enfoncer, nous déprimer. Oui, les thématiques abordées ne sont pas d'une grande joie, mais qu'il est rassurant des les parcourir avec un tel ami. Un sentiment de proximité s'opère instantanément par l'intermédiaire de cette voix ô combien chaleureuse et qui semble tutoyer les cieux.

- Mais tout ça, nous le savons déjà! Nous, on voudrait savoir ce qu'il en est de ce Crying light.

Eh bien, disons que le style d'Antony and the Johnsons est bel et bien là. Reconnaissable entre mille. Seulement les choses ont également sensiblement changé. On se retrouve dans un univers d'une densité et d'une profondeur vertigineuse. Les arrangements frôlent la perfection, la voix est mise en avant d'une belle manière (comment pourrait-il en être autrement?). Il y a une forme d'épuration qui s'opère tout au long de l'album, mais loin d'amoindrir le travail de l'artiste, elle contribue à sa richesse. On est littéralement happé dès les premières notes de Her eyes are underneath the ground dans un univers chaleureux et triste en même temps. Des Limbes. Un séjour des justes qui n'ont pas encore la possibilité d'accéder au paradis. Car, il faut le dire, il y a quelque chose d'éminemment spirituel qui se dégage de la voix d'Antony, de presque religieux également. On comprend dès lors mieux les rapprochements effectués avec le Butô, cette danse japonaise d'entre deux, suspendue entre les gouffres infernaux et la rédemption, entre les ténèbres et la lumière. Et nous retrouvons tension et équilibre tout au long de l'album : aux atmosphère délétères et mélancoliques succèdent parfois des sursauts de joie (Epilepsy is dancing), et des guitares acérées et tranchantes apparaissent même au détour d'une chanson (Aeon). L'oeuvre s'en trouve grandement renforcée : on est loin d'une atmosphère oppressante, l'auditeur peut respirer, tout comme la musique et prendre son envol. Alors oui, on est bien loin du "tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes" et un air de mélancolie plane sur ces dix chansons, mais jamais mélancolie n'a été aussi réconfortante que dans la bouche d'Antony. On aime se sentir moins seul, caressé par cette voix déchirante et qui nourrit le coeur et l'âme.

En un mot comme en cents : merci Antony pour cette leçon d'humanité.

Edouard

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