Il avançait péniblement dans le froid cru de l'hiver. La ville semblait morte : pas un quidam, pas âme qui vive, pas même l'ombre de la queue d'un chat. Depuis un moment déjà le vent s'était levé et le couvrait de glacials baisers. L'inconnu rentra machinalement sa tête dans le col de sa veste.Autour de lui les vitrines des magasins étalaient leurs marchandises, ventres béants, impudiques. Noël était passé, l'épiphanie aussi. Les vitrines revêtaient désormais l'habit rouge vif de la froide passion de février. Aucune originalité. L'amour n'a jamais inspiré les commerçants; toujours les même clichés qu'on nous resserre années après années après années : cupidons fessus et rebondis à l'aspect niais, boîtes de chocolats en forme de coeur (couleur sanguine de rigueur), figurines aux regards bovins (qui en disent long sur la conception de l'amour des faiseurs d'argent). Et partout, partout l'obscénité des prix. Leitmotiv du 14 février : "si tu aimes, achète!", "dépense sans compter, oui mais chez nous..." "Prix imbattables! aimez sans vous ruiner". L'amour se bradait dans chacune de ces vitrines à coup de rabais et de bonnes affaires; commerciale prostitution de nos âmes.
L'homme toussota deux fois, souffla dans ses mains pour les réchauffer et continua sa triste et lente procession. Il avait froid, mais plus que son corps c'était son coeur qui subissait les attaques de l'hiver. A chaque bourrasque il sentait la morsure glaciale du vent s'emparer un peu plus du siège de ses sentiments.
Il avait aimé. Beaucoup. Trop peut-être. Jamais, oh non jamais, il ne ressentit la chaleur d'un être qui vous aime. Il s'était brûlé à la chandelle de la passion sans avoir lui-même déclenché la moindre étincelle.
Passer devant ces vitrines lui resserrait la poitrine. Ces devantures, toutes criardes et ridicules qu'elles soient, lui renvoyaient l'image de sa solitude. Pèlerin en quête d'un peu d'amour, il se heurtait sans cesse à l'âpreté et l'indifférence, seuls calices auxquels pouvaient espérer tremper ses lèvres de feu.
Edouard
Tableau : Heart of snow, Edward Hughes
3 commentaires:
A défaut de calice on peut toujours se trouver un godet...
C'est beau. Pas le commentaire de soeur Marie-Clitorine, le texte donc ^^
p.s. t'as trouvé un tableau hivernal finalement
Oui, oui j'ai finalement trouvé mieux que ce que je voulais et j'ai même découvert un nouvel artiste! Le net c'est formidable...
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