lundi, juillet 19, 2010

Aux Bains des Pâquis

Doux son du roulis des vagues qui vont, viennent et s'écrasent sur les rochers polis au fil du temps, au fil de l'eau.

Une bise s'élève sur le lac aux reflets azurés.

Il y a un parfum d'ailleurs, alors même que c'est toujours le même pays, la même ville, le même lieu. Sentiment étrange emprunt d'une certaine magie.

L'air embaume des effluves de crèmes à bronzer, de nourriture grillée, de corps appétissants et dorés à point.

Une certaine tension sexuelle plane. On peut, pour ainsi dire, la palper, et pas uniquement parce que les corps se chevauchent presque. C'est le grand étalage de chairs humaines venues prendre le soleil. Elles luisent et suent à grosses goutte sous l'astre divin avant de revêtir, d'un plongeon, un manteau d'eau fraîche.

Également lieu de rencontre et d'émois des adolescents, ils s'y testent, se jaugent, se jugent, s'observent de près ou de loin, se papouillent, se chatouillent, s'embrassent, se pourlèchent ostensiblement et bruyamment sous les regards réprobateurs de têtes chenues ou blanchies par le temps.

Tout se confond. Tout se mêle. Allongés sur des serviettes de bains, tous semblent égaux. Ou presque. Ça parade un peu, ça clin d'œil à qui mieux mieux, ça cherche beaucoup à séduire et ça jacasse tellement que l'on croirait l'humanité devenue soudain volatile : une immense volière où les oiseaux piaillent sous un ciel limpide qu'ils ne parcourent même plus.
Le jour suit son cours impassible, insensible à ce qui se passe sur cette étendue avancée dans une eau sans nuage. Il a beau annoncer son déclin a grand renfort de rouge, de rose, d'oranger, les gens continuent à s'entasser; en quête d'un peu de fraîcheur ou de chaleur humaine - excusez le paradoxe!

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La nuit a éteint le soleil. Ne reste, dans la pénombre, que de fantomatiques formes se mouvant imperceptiblement et le son des vagues. Régulier. Monotone. Envoûtant. Une berceuse pour qui sait écouter; la quiétude retrouvée au fil de l'onde épousant la terre. Le dur et le mou réuni, s'embrassant pour l'éternité sous le regard borgne d'une lune complice.

Edouard

Tableau : Ophélie de John Everett Millais

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