mercredi, juillet 21, 2010

Aux heures incandescentes

Rouge, aujourd'hui est un jour rouge. Sanguin, brûlant, vivant. Rouge comme un soleil couchant, chaud comme un zénith de juillet.

Ah, voir la mer! La revoir et m'étendre sur le sable gorgé de soleil...

Oui, aujourd'hui est un jour assurément rouge. Rouge comme un rêve bouillant d'adolescent. Rêver, le sang battant les tempes au rythme régulier des chimères qui se font et se défont , vont et viennent dans une tête ouverte à tous les vents.

- Tu te fais poète à présent? Toi, misérable sans talent, tu oses toucher aux voix du sublime? Combien de temps n'as-tu pas écrit, pas même ton incessant, inutile verbiage? Et maintenant tu t'imagines habillé de Poésie? Pauvre fou! Jeune, nous pourrions comprendre ton audace, ton culot ; lucide dans ta vie, te voilà fou en écriture !

- Je n'ai pas à me justifier. La poésie est le sang qui coule en mes veines, la voix qui m'habite et m'entraîne. Qu'importe que je ne tutoie les sommets, je vouvoierai les plaines. Redonner valeur au réel, à l'anodin, au charnel ; à l'humain. Le XXIème siècle résonnera/raisonnera du chant des poètes trop longtemps tu par un siècle de feu et de sang et de folie qui faillit l'étouffer complètement.

- Oh, l'ingénu !

- Ingénu? Mieux que cynique, triste maladie d'un siècle d'agonie. Tout, tout n'est que rictus étincelants qui blessent et percent. Le cynisme est la peste des esprits, une gangrène nauséabonde, un prurit causé par une vermine logée dans nos cerveaux. Personne n'y échappe et surtout pas les écrivains : ils vendent et contaminent par leur travail. Aucun monde meilleur à espérer ; utopistes bafouées par le cinglant rictus n'en finissent plus de rendre et les armes et l'âme.
Question : nous relèverons-nous un jour?

- Pauvre fou !

- Fou, lucide et vivant ! Et qu'importe si j'avance sur des paradoxes.

- D'autres avant toi...

- Oui, d'autres avant moi on fait ce pari fou d'imaginer un monde meilleur, de lutter avec ce monde comme Jacob avec l'ange. Lutter avec, non pas contre. Construire plutôt que détruire. Le sang fume encore et exhale son écœurant parfum sur tous les champs de batailles d'hier et d'aujourd'hui. Stoppons cette hémorragie avant que notre humanité, exsangue, n'expire tout à fait.
Mais l'homme est fou et il serait plus facile de désespérer et de sombrer dans de noirs ventres que d'oser imaginer que même dans les plus noires ténèbres se trouve...

- La lumière? Que tout cela est cliché. Je ne te savais pas si indigent dans ta réflexion.

- Tout ça parce que j'ose imaginer un mieux plutôt qu'un pire? Je devrais donc me rallier à l'opinion globale ; jeter bébé et l'eau du bain, sauter par la fenêtre et allumer des feux à coup de bombes atomiques, c'est bien ça? Mais je ne fonctionne pas ainsi. Je ne veux sombrer dans une béate et confortable désespérance.

- Mais dis-moi, sérieusement, où te mène ce discours, où veux-tu en venir?

- Touché ! Tu ne me connais que trop bien. Le plaisir du soliloque, le plaisir de l'écriture, mais dans quel but? Glisser sur la page blanche, sans but, errer...

- Comme dans ta vie?

- Tout juste.

- Et tu oses te la jouer espoir et tout le toutim?

- Je ne suis pas à un paradoxe près.

- L'hôpital qui se fout de la charité, si je comprends bien?

- Plutôt le paradoxe qui se fout de toute logique...
Attention à ne pas trop me provoquer, car je risque de te renvoyer fissa dans les limbes de mon esprit.

- Des menaces?!! après ton discours poético-pacifiste. Fallait oser ce grand écart. Chapeau bas, je m'incline.

- Tu connais mon amour de la danse...

- De là à faire danser les mots de la sorte.

- Tout est permis en ces pages, non?

- Et tu ne te gênes nullement pour le prouver. Attention quand même au claquage.

- Je ne saisis pas.

- A trop faire de grands écarts.

- Toujours cette propension à vouloir jouer avec les mots, à ce que je vois.

- Rien qui ne te soit étranger. Tu n'es quand même pas une énigme pour toi-même?

- Peut-être bien. J'ai parfois le sentiment de n'être qu'un point d'interrogation dans l'immensité, une tête ouverte à tous les vents. Ils soufflent ; et elle siffle, et elle siffle, et elle siffle. Quelle belle musique que celle du fou qui se murmure à l'oreille des secrets dont il ne sait rien.

Edouard

Tableaux :
Georges de La Tour, Memento Mori
Paul Delvaux, Le Miroir

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