vendredi, juillet 23, 2010

Elle rêve


Elle rêve nue dans l’aube claire ; indolente et fragile, sa tête reposant sur sa main, elle baigne dans l’orangé des premiers rayons de soleil. L’aube est tiède, mais elle frissonne. Des poils se hérissent pour capter toute la chaleur dont elle a besoin en ce moment. Elle a la chair de poule. C’est à la fois grotesque et tellement réconfortant : elle est humaine, comme n’importe qui et pourtant ; elle échappe, en cette instant, à ce qualificatif, suspendue entre l’universel et l’inaccessible.

Comment ne pas aimer cette femme endormie dont les paupières, barrières si fines et pourtant véritables barrages, retiennent le secret de ses nuits ?

Elle offre, impudique, son visage de vierge triste qui a joui, mais elle scelle, profondément en elle, les remous et tumultes de son âme. Elle mêle générosité pure, parfait abandon avec le plus complet égoïsme. Par instant, elle semble former un cercle si parfait que le monde lui-même en devient accessoire, presque dérisoire ; et l’instant d’après, éparpillée et fragile, le monde se réinvente pour l’envelopper dans une amniotique béatitude.

Bien que toute entière plongée dans ses songes, elle donne son odeur en offrande ; une odeur salée et légèrement musquée de corps après l’amour, sauvage, animale et en même temps tendre, délicate. Il faudrait l’enfermer cette odeur, en capter toutes les nuances, en faire ressortir tout le spectre complexe et subtile et qui laisse au coeur de suaves images, vous hante des heures durant.

Enivré, enivré d’elle ! La tête pleine de ses arômes jusqu’au vertige. Elle danse, forme spectrale née de son essence, fleur suspendue à sa tige se balançant au gré des vents.

Femme, l’est-elle encore, elle, si multiple ; évanescente image démultipliée sur le bûcher mortifère, phénix toujours renaissant de ses cendres ?

Au loin la cloche d’une église sonne. Déjà les rues fourmillent de leur habituelle agitation, indifférentes et inconscientes du miracle qui se produit dans cette alcôve : elle dort paisible et sainte en ce lit, enlaçant de ses bras devenus lianes un corps long et fluet, ivre de baisers, ivre de tout, ivre de vivre - ivre d’elle !

Edouard

Tableau : Cabanel, La naissance de Vénus

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